Le burn out : le mal professionnel de notre siècle ?
En lien avec l'actualité parlementaire de ce début d'année concernant la reconnaissance et la prise en charge du syndrome d'épuisement professionnel, voici un dossier que j'ai constitué afin de mieux informer, comprendre, détecter, aider son/sa conjoint(e), se préserver, rompre l'isolement et se soigner. Je parle également du type d'intervention que je privilégie en thérapie tant individuelle qu'en famille et en couple.
Bonne lecture !
1/ Les caractéristiques du burnout
2/ Les symptômes constitutifs du syndrome d’épuisement professionnel
3 . Comment réagir face au burnout ? Quelles thérapeutiques
4. Abécadaire des Risques Psychosociaux (RPS)
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Dans l'actualité
En février 2017, une mission parlementaire a proposé 27 mesures pour reconnaître et «mieux cerner la réalité» du burn-out, ou syndrome d'épuisement professionnel qui est à différencier du «Brown-out» (quand le travail n'a plus de sens) et «bore-out» (quand l'ennui au travail est trop pesant)...
Outre la création d'un «Centre national de référence consacré à la santé psychique au Travail», la mission a isolé d'autres propositions phares: protéger les médecins - notamment du travail - afin qu'ils ne soient pas attaqués par les employeurs lorsqu'ils établissent un lien entre la pathologie et les conditions de travail, création d’un site web et d’une application associée à destination des professionnels afin de faciliter la compréhension et la prise en charge de ce syndrome. Ils suggèrent également d'obliger les managers à effectuer un stage parmi les salariés, sur le modèle des «stages ouvriers», afin de se rendre compte de leurs conditions de travail.
Des médecins alertent sur le retard de la France par rapport au nord de l'Europe en matière de prévention et de prise en charge du burn-out qui n'est pas officiellement reconnu.
En 2015, Santé Publique France chiffrait à 30 000 le nombre de patients concernés, soit 7% des 480 000 pathologies mentales liées au travail.
Le cabinet Technologia, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux (RPS), estimait de son côté en 2014 à « environ trois millions » les salariés «exposés à un risque élevé d'épuisement professionnel » soit 12,6% de la population active occupée française.
Les agriculteurs exploitants sont ceux qui sont les plus touchés: près d'un quart d'entre eux, et un artisan, commerçant, chef d'entreprise ou cadre sur cinq. Les enseignants sont les plus concernés parce qu'ils ont fait du travail un mode de vie. Les fonctionnaires de police sont également très concernés.
Pour les métiers des nouvelles technologies, l’absence de séparation entre la vie privée et la vie professionnelle induit un surengagement, l’impossibilité de quantifier le travail, consomme du temps, est séparé de l’espace et évacue toutes les autres activités.
La maladie des temps modernes, c'est le mauvais usage des télécommunications affirme de PDG de Technologie. Pour Denis Monneuse, sociologue spécialisé dans la santé au travail et expert associé à l'Institut de l'entreprise, auteur de «Le silence des cadres» (éditions Vuibert), «si les cadres sont plus touchés par le burn out, c'est aussi parce qu'ils sont sujets à travailler plus que les autres».
Les professionnels de santé plus exposés
En 2015, l'Association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) confirmait que près de la moitié des soignants avaient connu ce syndrome d'épuisement professionnel durant leur carrière. En 2016, de nouveaux travaux montrent que pour plus de la moitié des répondants, le burn-out a un impact potentiellement majeur sur la qualité des soins, susceptible de mettre en danger la vie du patient.
Un constat encore plus dramatique chez les libéraux qui soulignent pour deux tiers d'entre eux ne pouvoir s'offrir le « luxe » d'un arrêt maladie de longue durée…et aussi ne pas souhaiter que leur vulnérabilité soit connue de leurs confrères et de leur patientèle.
En situation de souffrance, les trois quarts des professionnels de santé interrogés chercheraient de l'aide s'ils se retrouvaient en burn-out et les femmes seraient plus enclines à se faire aider (79% vs 69%). Mais la moitié ne saurait pas à qui s'adresser. Pour les autres, ils avancent qu'ils solliciteraient leur entourage familial (43%), leur confrère (38%), une connaissance amie (30%) ou leur médecin traitant (15%).La quasi-totalité des soignants par ailleurs ne connaissent ni associations d'aide ni numéros d'écoute dédiés aux professionnels de santé en souffrance psychologique.
En réponse, la SPS a ouvert une plateforme nationale d'appel, interprofessionnelle, indépendante, tenue au secret médical, pour venir en aide aux soignants.
Elle est accessible 24h/24 en composant le numéro : 08 05 23 23 36.
Le but est d’offrir une écoute psychologique, une aide et une orientation aux professionnels de santé. Actuellement, la moitié des médecins estiment avoir déjà souffert de burn out, et leur taux de suicide est 2,5 fois supérieur à la moyenne nationale. Le corps infirmier et les autres soignants ne sont pas épargnés. Et si la majorité est prête à demander de l’aide en cas de problème, ils ne savent pas à qui s’adresser. C’est à ce besoin que l’association veut répondre au plus vite.
1/ Les caractéristiques du burnout
Maslach et Leiter décrivent le burnout au travers de « l’écartèlement entre ce que les gens sont et ce qu’ils doivent faire. Quand le burnout vous gagne trois événements surviennent:
- vous vous sentez chroniquement épuisé,
- vous devenez cynique et vous détachez de votre travail,
- et vous vous sentez de plus en plus inefficace dans votre job.
Il s’agit d’un état d’épuisement physique, émotionnel et mental lié à une longue exposition à des situations exigeant une implication émotionnelle importante ; concernant au départ les professionnels de l’aide et du soin, le burn out a été conceptualisé pour la première fois par le psychiatre américain Freudenberger en 1975.
Exemple :
Cas d’un employé d’une agence de communication Mon métier, je l’aime, je l’ai choisi, j’ai tout fait pour y arriver… Depuis plusieurs semaines, j’ai l’impression d’être vidé de l’intérieur. Je n’ai plus d’énergie pour me lever le matin, plus envie… J’ai trop de projets en cours, je passe de l’un à l’autre et je n’en vois jamais le bout. J’ai l’impression de n’avoir jamais le temps de faire correctement mon travail. Je supporte de moins en moins mes collègues, les demandes de mon responsable. On accepte des projets qu’on ne devrait pas accepter. Le chiffre, le chiffre, toujours le chiffre… Je n’ai pas choisi de faire ce métier pour ça. Je me dis qu’être graphiste ici n’est pas aussi valorisant, gratifiant que cela…».
Le syndrome d’épuisement professionnel se traduit donc à la fois par :
- une érosion de l’engagement (en réaction à l’épuisement),
- une érosion des sentiments (à mesure que le cynisme s’installe)
- et une érosion de l’adéquation entre le poste et le travailleur (vécue comme une crise personnelle).
Dans les cas les plus extrêmes, le travailleur peut se trouver dans un état physique et psychique tel qu’il ne peut pas poursuivre son activité de travail; ce qui peut être vécu comme une rupture, un écroulement soudain, alors que des signes avant-coureurs pouvaient le laisser présager.
2/ Les symptômes constitutifs du syndrome d’épuisement professionnel
2.1. Manifestations émotionnelles :
l’épuisement ressenti par l’individu, entraînant un sentiment de perte de contrôle, peut se manifester émotionnellement par des peurs mal définies et des tensions nerveuses. Il se caractérise également par une humeur triste ou un manque d’entrain. L’individu peut être irritable, tendu, hypersensible, ou bien ne manifester aucune émotion.
2.2. Manifestations physiques :
on note davantage de troubles du sommeil, une fatigue chronique due à un sommeil qui n’est plus réparateur et des tensions musculaires avec des douleurs rachidiennes (dos, nuque). Il y a parfois une prise ou une perte soudaine de poids, des maux de tête, nausées, vertiges sont également observés.
2.3. Manifestations cognitives :
en termes cognitifs, le burnout a un retentissement sur les capacités de traitement de l’information dont dispose l’individu: diminution de la concentration, difficultés à réaliser plusieurs tâches à la fois, à nuancer, à prendre des décisions. Erreurs mineures, fautes, oublis sont également constatés.
2.4. Manifestations comportementales ou interpersonnelles :
sur le plan interpersonnel, l’individu peut se replier sur soi, s’isoler socialement, ou avoir un comportement agressif, parfois violent, traduisant une diminution de sa tolérance à la frustration qu’il ressent professionnellement. Moins enclin à l’empathie, l’individu est moins touché par les problèmes des autres et peut aller jusqu’à traiter ces derniers comme des objets. Se sentant dans une situation inextricable, il peut éprouver du ressentiment et de l’hostilité à l’égard des personnes qu’il côtoie dans son travail. Des comportements addictifs peuvent apparaître face à la tension ressentie: tabac, alcool, tranquillisants, drogues, etc.
2.5. Manifestations motivationnelles ou liées à l’attitude :
se sentant déprécié dans son travail, l’individu peut se désengager progressivement. Baisse de motivation et moral en berne s’accompagnent d’un effritement des valeurs associées au travail. Ne pouvant changer la situation dans laquelle il se trouve, il peut avoir le sentiment d’être pris au piège ou de douter de ses propres compétences. L’individu peut alors se remettre en cause professionnellement et penser qu’il n’est plus capable de faire son travail comme avant: il se dévalorise.
Il est à noter que ces manifestations ne sont pas propres au burnout. Elles peuvent aussi caractériser une exposition prolongée à plusieurs facteurs de RPS et s’apparentent pour certaines d’entre elles aux symptômes de stress chronique.
2.6 Ce que le burnout n’est pas
Selon la conceptualisation de Christina Maslach, le burnout n’est pas une nouvelle catégorie de maladie psychiatrique mais une spirale dangereuse susceptible de conduire au basculement dans la maladie – dépression ou maladie somatique – et à la désinsertion sur le plan professionnel, social et familial.
Il est défini comme un syndrome – le syndrome d’épuisement professionnel – qui regroupe un ensemble de signes cliniques et de symptômes qui apparaissent progressivement chez l’individu, sans pour autant se référer à un élément causal dans sa définition.
Même si des caractéristiques communes existent quant à leurs symptômes, le burnout se différencie de la dépression au sens où il s’exprime en premier lieu dans la sphère professionnelle.
Le diagnostic de dépression décrit un «état» de l’individu alors que le burnout permet de décrire un «processus » de dégradation du rapport subjectif au travail.
De même, il ne faut pas confondre le syndrome d’épuisement professionnel avec l’addiction au travail («workaholisme»).
A contrario, nul besoin de travailler de manière compulsive ou d’être incapable de se détacher psychologiquement du travail pour s’épuiser professionnellement. Des contraintes de travail excessives, un déficit d’arbitrage, un manque de soutien ou une crise de sens au travail peuvent engendrer à eux seuls un syndrome d’épuisement professionnel.
2.7. Les spécificités comparées du burnout
* Stress au travail
Conséquence d’un déséquilibre entre les contraintes du travail et les ressources pour y faire face. En lien avec l’exposition aux facteurs de RPS. Le sens du travail n’est pas forcément remis en cause. Est passager ou chronique (stress aigu/stress chronique). Peut toucher tout type de travailleur. N’est pas forcément accompagné d’attitudes négatives envers autrui (cynisme, indifférence).
* Syndrome d’épuisement professionnel
Rôle important des conflits de valeur (sens du travail, qualité empêchée, etc.) dans l’apparition du syndrome. Est la conséquence d’une exposition à une conjonction de facteurs de RPS sur une longue durée qui ne permet plus de faire face aux exigences et règles de métier. Touche davantage les personnes qui accordent beaucoup d’importance à leur métier. Attitudes et comportements négatifs envers les collè- gues, les clients, les patients, etc. Cynisme.
* Addiction au travail ou «Workaholisme»
Les «workaholiques» passent énormément de temps au travail, ils sont réticents à se distancier ou se désengager de leur travail, et ils fournissent un travail qui va au-delà de ce qui est attendu de leur part, au point que la vie privée s’en trouve affectée (Schaufeli et al. 2006). Peut, notamment, conduire au burnout car l’implication excessive dans le travail peut épuiser les ressources.
* Syndrome d’épuisement professionnel
Le burnout touche les personnes qui ont de fortes attentes envers leur travail: ce qui est déterminant pour elles, c’est le métier et le sens donné au travail. L’épuisement propre au burnout ne permet pas à la personne de mobiliser les ressources nécessaires à une forte implication dans le travail («workaholisme»). Le syndrome d’épuisement professionnel n’est pas nécessairement consécutif au workaholisme.
2.8. Le burnout et les autres manifestations observées sur le plan personnel (fatigue chronique, dépression)
* Fatigue chronique
Fatigue générale. Apparaît suite à une tension psychique ou un stress de longue durée. Pas d’origine systématique dans le travail.
* Syndrome d’épuisement professionnel
La fatigue émotionnelle est associée aux deux autres composantes : - dépersonnalisation ; - et perte d’accomplissement personnel au travail. Apparaît suite à une tension psychique ou un stress de longue durée. Lié au travail.
* Dépression
Épuisement émotionnel et humeur dysphorique (changeante, instable). Étendue à tous les aspects de la vie et pas seulement au travail. Caractérisée par une perte du goût des choses et de la vie. Plus faible estime de soi, défaitisme, moins grande vitalité. Les antécédents de dépression peuvent favoriser l’apparition d’un syndrome d’épuisement professionnel.
* Syndrome d’épuisement professionnel
Épuisement émotionnel et humeur dysphorique. Lié spécifiquement au travail. Conservation du goût des choses dans les aspects de la vie autres que le travail. Estime de soi et réalisme plus grands, vitalité plus forte, que pour la dépression. Le burnout peut s’aggraver en dépression.
2.9. Les causes et du burnout
Comme pour l’ensemble des RPS (le stress au travail, les harcèlements et violences internes ou externes au travail, le syndrome d’épuisement professionnel), les causes sont à rechercher dans l’organisation, l’environnement et les relations de travail. Ce sont, par exemple, la charge de travail élevée, l’extension des amplitudes horaires, l’isolement, l’absence d’espaces de discussion, le manque de soutien de la hiérarchie ou des collègues, la qualité empêchée, qui transformeront un engagement vertueux en un sentiment de gâchis pour l’individu.
En termes de facteurs de risque, stress chronique et syndrome d’épuisement professionnel sont donc assez similaires. La principale différence se situe au niveau de l’engagement dont peut faire preuve un individu dans son travail: le déséquilibre devient trop important entre la réalité de son travail (et de ses conditions de travail) et ce que son travail devrait être au regard de ce que son métier représente pour lui. En cas d’exposition chronique à des facteurs de RPS, et en l’absence de régulation collective, le risque de basculer dans un syndrome d’épuisement professionnel existe.
3 . Comment réagir face au burnout ? Quelles thérapeutiques ?
La prise en charge d’un travailleur en burnout ou épuisement professionnel est à adapter selon la sévérité des symptômes associés. Elle se fait en plusieurs temps, incluant le plus souvent un temps d’arrêt de travail, permettant successivement:
- le repos ;
- la reconstruction identitaire ;
- la réflexion et la renaissance du désir de travailler;
- la possibilité de retour au travail.
A titre individuel, il s’agira :
- d’aider le travailleur à reprendre pied
- de prendre des mesures visant à rétablir l’équilibre de l’individu en agissant à la fois sur sa sphère professionnelle mais aussi sa vie personnelle. Son responsable, le médecin du travail ou son médecin traitant peuvent lui suggérer de :
- s’arrêter de travailler, pour prendre du recul;
- récupérer, notamment, par le repos, par la relaxation ou le sport, etc. ;
- accepter l’idée qu’« à l’impossible nul n’est tenu» pour effectuer un «retour à la réalité ». Selon la sévérité du syndrome, un arrêt maladie de deux à trois mois peut être nécessaire.
Une prise en charge en psychothérapie est recommandée.
Personnellement dans ma pratique, je privilégie une approche intégrative :
écoute active, activation comportementale, travail sur les schémas de pensées, retour du plaisir, renforcement du sentiment d’efficacité personnelle, de confiance et d’estime de soi, l’expression des émotions, la communication non violente, relaxation, hypnose, gestion du stress (pleine conscience, respiration), reprise d’activité physique.
Des séances en famille ou en couple peuvent également être utile au système familial afin d’apporter soutien, compréhension et accompagnement à la personne en burn out. En effet, les conséquences du burnout diffusent dans toutes les sphères de la vie de la personne et peuvent impacter négativement la vie familiale, affective, sexuelle.
En tant que systémicienne, j'aiderai la personne à élaborer un autre récit à parti de la prise en compte des relations, des modalites de communciations et des patterns dysfocntionnels en cause dans sa symptomatologie.
Tout comme nos confrères suédois, j’encourage les patients à entamer une prise en charge multimodale avec des confrères d’autres domaines pour étayer la reprise de travail de manière globale (hygiène de vie, activités, dimension corporelle, etc).
La dimension existentielle a également son importance dans la mesure ou l’individu souffrant doit être pro-actif dans son traitement, revoir sa conception du travail et son mode de vie en général. Un noveau sens émerge.
Cela consiste à moyen et à long terme, en un rééquilibrage entre les différentes sphères de la vie (physiques, psychologiques, spirituelles, sociales, familiales, professionnelle, etc) et une redistribution des priorités personnelles. Une fois établies elles sont le tremplin servant à réorganiser vie et travail en fonction des motivations et du sens qu’on leurs donne.
Cette prise en charge est à construire avec le réseau d’intervenants autour du patient. À cette étape, lors de la compréhension du phénomène et de ce qui s’est passé pour la personne, écrire (« récit de vie»), verbaliser les différentes étapes, peuvent aussi aider à se reconstruire et à préparer la phase du retour à l’emploi.
Le désir de retour à l’emploi doit être favorisé par l’environnement personnel et professionnel, en ménageant un espace et un temps intermédiaires sécurisants qui permettent à l’individu de se reconstruire une identité professionnelle «bousculée » par l’épisode d’épuisement.
Avec le temps, la personne a pu perdre une partie du sens qu’elle accordait à son travail. Les raisons sont multiples : transformation du travail, changement des valeurs de l’entreprise, etc. Le burnout peut donc constituer une étape de réflexion sur le sens que la personne donne à son travail et sur ce qui est important à ses yeux.
Sur cette base, un nouveau projet professionnel peut se construire et nécessiter un accompagnement.
Les personnes ayant connu une situation de burnout éprouvent généralement des craintes et des incertitudes : peur de se retrouver confrontées à un travail qu’elles ne pourraient accomplir, au regard des autres (encadrants, collègues, etc.), peur de rechuter, peurs multiples liées à la perte de confiance en leurs capacités professionnelles après un arrêt de travail vécu comme un échec. Ces différents aspects nécessitent pour la personne «un travail sur soi », en amont de la reprise et lors de la reprise, afin que celle-ci soit une réussite.
Enfin, les groupes de parole, témoignages de personnes ayant dépassé cette épreuve pour renaître à eux-mêmes, se découvrir des ressources insoupçonnées, se montrer plus présents en famille, relativiser, apprendre à dire non, entamer une autre carrière professionnelle ou démarrer un projet personnel donnent courage et ouvrent des perspectives d’avenir.
4. Abécédaire des Risques Psycho-sociaux ( RPS)
- Addiction au travail
L’investissement dans le travail, ses ressorts, ses différentes formes et ses effets ont fait l’objet de conceptualisation et d’études dans la littérature internationale sur les processus motivationnels au travail. Deux aspects différents de l’investissement dans travail sont à distinguer: d’une part, l’engagement positif de l’ordre de la «passion», d’autre part, l’addiction au travail18. Certains auteurs distinguent même dans l’addiction au travail deux sous-dimensions : le fait de travailler beaucoup d’un côté et l’incapacité à se détacher psychologiquement du travail (attitude compulsive au travail) de l’autre côté. Seule la seconde dimension apparaît néfaste pour la santé ou le bien-être des personnes et pour leur performance professionnelle.
- Karoshi
À la différence du burnout qui s’installe progressivement, le karoshi, décrit il y a 50 ans par les japonais, désigne la mort subite d’un travailleur suite à un surcroît de travail et un stress important, par infarctus du myocarde massif ou accident vasculaire cérébral.
- Harcèlements au travail
Le harcèlement moral et le harcèlement sexuel font l’objet de dispositions législatives (articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du Code du travail). Défini par le Code du travail, le harcèlement moral se manifeste par des « agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de la personne du salarié au travail et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel» Une troisième notion est à distinguer: le harcèlement discriminatoire. Ce type de harcèlement se rattache au texte traitant de la discrimination. Contrairement au harcèlement moral notamment caractérisé par des agissements répé- tés, un seul acte suffit à caractériser le harcèlement discriminatoire dès lors que cet acte peut être relié à l’un des 18 motifs prohibés énoncés par l’article L. 1132-1 du Code du travail. La question du harcèlement est également prise en compte au travers de l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 «sur le harcèlement et la violence au travail ».
- Maladie, syndrome et symptômes
La maladie correspond à une altération des fonctions ou de la santé de l’individu. Une maladie désigne donc une entité particulière qui renvoie à des causes, des symptômes et des traitements thérapeutiques.
Exemple: le diabète est une maladie qui traduit une élévation anormale du taux de glucose dans le sang. Cette anomalie est due à une insuffisance ou une mauvaise utilisation de l’insuline (cause). Cela se manifeste généralement par une fatigue importante, des envies fréquentes d’uriner, une soif intense et un appétit augmenté qui, paradoxalement, s’associe à un amaigrissement, parfois des maux de ventre et des vomissements (symptômes). Le contrôle du taux de sucre dans le sang est le principe fondamental de la prise en charge du diabétique. Outre une alimentation diététique et un exercice physique régulier, la prise en charge peut aussi reposer sur l’injection d’insuline et la prise d’antidiabé- tiques (traitement).
Le syndrome (dont l’étymologie renvoie à la conjonction d’éléments distincts) est un ensemble de signes cliniques ou de symptômes qui apparaissent plus ou moins simultanément. Contrairement à la maladie, la définition d’un syndrome ne se réfère à aucun élément causal. Le symptôme est à distinguer du signe clinique.
Le symptôme est l’expression subjective d’effets ressentis par le malade, alors que les signes cliniques sont l’expression objective déduite par le professionnel de santé qui réalise le diagnostic.
- Présentéisme
Le présentéisme fait référence à un phénomène par lequel un travailleur va travailler alors que l’état de santé dans lequel il se trouve nécessiterait qu’il reste chez lui. Une autre forme de présentéisme consiste aussi à être présent sur son lieu de travail sans engagement, sans être complètement en possession de ses moyens (perte de concentration, perte de sens, démission intérieure, retrait de la vie sociale de l’entreprise). D’après une étude en sociologie effectuée sur le sujet, il y aurait sept profils types de travailleurs «présentéistes » : le dirigeant qui se veut exemplaire, le précaire, le passionné, l’indépendant qui ne trouve pas de remplaçant, le contraint (par les exigences du travail et la pression sociale), le solidaire, et enfin le malade chronique à la pathologie lourde (qui veut maintenir du lien social ou craint de passer pour celui qui abuse du système).
- Stress au travail
Selon l’ANI du 2 juillet 2008, le stress au travail «survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses […]. Le stress n’est pas une maladie mais une exposition prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et peut causer des problèmes de santé». Scientifiquement, il n’y a ni bon stress, ni mauvais stress, mais il faut différencier le stress aigu, qui reste ponctuel (prise de parole en public, imprévu auquel il faut faire face, etc.), du stress chronique (lié à des situations de travail récurrentes et trop exigeantes pour l’individu) qui a des effets néfastes sur la santé.
- Violences au travail
Selon l’ANI du 26 mars 2010, « la violence au travail se produit lorsqu’un ou plusieurs salariés sont agressés dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l’incivilité à l’agression physique. La violence au travail peut prendre la forme d’agression verbale, d’agression comportementale, notamment sexiste, d’agression physique, etc. ». Usuellement, on distingue la violence interne (liée aux relations de travail avec les collègues ou la hiérarchie) de la violence externe au travail (liée aux contacts avec le public, les usagers ou les patients).
5. Sources et ressources
Guide d’aide à la prévention : le syndrome d’épuisement professionnel ou burnout Mieux comprendre pour mieux agir, Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social Délégation à l’information et à la communication (Dicom) – Mai 2015.
http://www.appel-burnout.fr/wp-content/uploads/2014/04/BurnOutVersiondef.pdf .
http://www.souffrance-et-travail.com/liens/
Travaux de Christophe Dejours (professeur titulaire de la chaire de psychanalyse-santé-travail au Conservatoire national des arts et métiers et directeur de recherche à l'Université René Descartes Paris V, dans le laboratoire Psychologie Clinique, Psychopathologique et Psychanalytique. Plusieurs de ses publications amènent à considérer qu'il « a créé une nouvelle discipline »: la « psychodynamique du travail1. ». Il est membre titulaire de l'Association Psychanalytique de France, membre titulaire de l'Institut de Psychosomatique-Pierre Marty, Président du Conseil Scientifique de la Fondation Jean Laplanche - Institut de France)
http://1libertaire.free.fr/Dejours01.html (Fiche de lecture d'un cours au CNAM sur la souffrance et le travail)
Audio :
http://www.souffrance-et-travail.com/magazine/burn-out/ecouter-la-societe-du-burn-out-france-inter/
Audiovisuel :
https://www.youtube.com/watch?v=gBw52hyCdYU (TED)
https://www.youtube.com/watch?v=juCKAvUAkWo